Interview Théo Valls

Il aurait pu, comme Slimka, avoir « toujours le même maillot ». Mais à 24 ans, après avoir passé la moitié de sa vie dans le club de sa ville, Théo Valls, jeune fiancé et papa d’un petit garçon depuis fin juillet, a décidé de donner une nouvelle impulsion à sa carrière. Titulaire indiscutable durant les deux dernières saisons en Ligue 1, c’est à Genève qu’il est venu chercher un nouveau souffle et un nouveau challenge. Pour notre plus grand plaisir, à la vue de ses premières prestations sous le plus beau maillot du monde. Entretien avec le crocodile du Lac de Genève.

Tu étais l’homme d’un seul club avant de nous rejoindre, le Nîmes Olympique. Peux-tu revenir sur tes débuts dans le football et ton parcours nîmois?

J’ai grandi à Redessan, un petit village à côté de Nîmes. J’ai commencé le foot tard. J’avais essayé une première fois mais ça ne m’avait pas plu, les copains n’y jouaient pas et je ne connaissais personne. Du coup j’ai fait un peu de handball, puis je suis revenu sur le foot à 11 ans où j’ai joué une saison chez moi à Redessan avant de partir au Nîmes Olympique à 12 ans y faire toute ma formation.

Tout s’est toujours super bien déroulé et j’ai commencé à être surclassé à 19 ans. Je jouais avec la réserve et plus avec les U19. Puis j’ai commencé à m’entraîner un peu avec les pros, faire mes premières apparitions en Ligue 2 et j’ai vite signé mon premier contrat professionnel.

J’ai ensuite effectué de belles saisons, en Ligue 2 d’abord. J’ai connu la saison où l’on avait débuté avec 8 points de retard en 2015 (Nîmes avait d’abord été rétrogradé en National, puis maintenu en Ligue 2, mais avec 8 points de pénalité pour une affaire de matchs présumés truqués). Une saison de fous où on accroche le maintien. Puis il y eu la montée en Ligue 1 et les deux maintiens. De beaux moments.

Tu es ensuite arrivé en fin de contrat, après avoir décliné une proposition de prolongation. Tu disais d’ailleurs ressentir une certaine lassitude à Nîmes, même au niveau des entraînements.

Oui, certaines choses avaient changé au club, il y a eu des départs. Et je sentais que j’avais aussi un peu fait le tour. J’avais envie de découvrir un autre pays, un autre championnat. Une autre culture du foot. C’est pour ça que j’ai souhaité partir. Et au final ça n’a pas été une décision si difficile. Je pense d’ailleurs que ma progression devait passer par un départ. Et vraiment, je n’éprouve aucun regrets. J’ai pris une bonne décision.

Quand ont eu lieu les premiers contacts avec le club?

Je ne pourrais pas te dire quand exactement, mais ça s’est fait rapidement. Monsieur Bonneau et Philippe Senderos ont vraiment eu beaucoup d’attentions à mon égard. J’ai aussi échangé avec le coach et voir que le club me voulait vraiment a accéléré les choses.

On a lu que tu avais aussi eu des contacts avec des clubs de Championship en Angleterre (Nottingham Forrest, Bristol City). Qu’est-ce qui a fait pencher la balance pour Servette?

C’est vrai que j’avais aussi parlé avec les coachs de certains clubs en Angleterre. Et j’aime bien le championnat anglais, que ce soit la Premier League ou la deuxième division. Mais voilà, c’était mon premier mercato, j’ai vu que parfois ce n’est pas parce que tu parles à du monde que ça va aboutir sur un contrat. Il y a pleins de facteurs qui rentrent en jeu et je ne regrette pas que ce ne se soit pas fait avec d’autres clubs parce que les négociations se sont vraiment bien passées avec Servette. J’ai pris ma décision de signer rapidement.

Tu es arrivé ici dans un contexte particulier avec le COVID. Comment se passe ton intégration à la ville et au club?

Franchement j’ai été vraiment bien accueilli. Que ce soit par le staff ou par les joueurs. J’ai découvert un super groupe avec de supers mecs, qui te mettent à l’aise tout de suite. On sent que c’est un club familial. Tout ça a aidé à ce que mon intégration se fasse facilement et naturellement.

Mais c’est vrai qu’on est dans une période particulière. C’est compliqué de se voir en dehors des entraînements et des matchs avec les joueurs. On a tout le temps le masque dans le vestiaire, ce ne sont pas les mêmes interactions, tu ne vois plus les gens sourire. Des choses simples qui réduisent les contacts. Mais malgré ça on s’entend vraiment bien.

Après au niveau de la ville j’ai quand même pu visiter un peu aussi. Je me sens à l’aise ici, il fait bon vivre, les gens sont sympas. Je ne connaissais pas grand chose de la Suisse avant de venir, malgré le fait que ce soit un pays frontalier de la France. Mais je savais que la vie était agréable à Genève et j’y suis vraiment bien.

On sent aussi que le club évolue beaucoup, après une phase qui a été compliquée. Mais il y a tout ici: un super stade, un gros travail au niveau marketing sur les réseaux sociaux avec des jeunes qui font vraiment du beau boulot. Le club fait les choses bien. Le seul point noir est le centre d’entraînement. Parfois on s’entraine au Stade, parfois à Balexert où ailleurs. Mais d’après ce que j’ai compris c’est un peu compliqué à ce niveau-là ici. Sinon il y a vraiment tout pour faire les choses bien.

Est-ce que tu t’es renseigné sur les joueurs qui composent l’effectif avant de signer?

Non pas vraiment et le championnat Suisse n’est pas médiatisé du tout en France. On entend seulement parler des équipes qui jouent l’Europe comme Bâle ou YB. Mais j’ai été agréablement surpris du niveau. Pas pour dire que je pensais qu’il n’était pas bon, mais il est meilleur que l’idées que je m’en faisais. Et je ne pensais pas qu’il y aurait autant de qualité dans l’équipe. J’ai été impressionné. Ça a été une vraie surprise pour moi qui ne connaissais pas le championnat de Suisse et ses joueurs.

Et puis on a vraiment un super groupe. Avec des joueurs du club, Frick, Sauthier, Boris (Cespedes) et d’autres qui sont là depuis un moment. C’est important d’avoir des joueurs comme ça, qui aident les nouveaux à s’adapter à ce collectif. C’est une des raisons pour lesquelles ça marche bien, l’adaptation aux « anciens ».

Après on a aussi des jeunes avec un gros potentiel. Un Kastri (Kastriot Imeri), Antunes, Bouba (Boubacar Fofana), et je pourrais t’en citer plusieurs autres. Mais le foot ce n’est pas seulement le talent et le potentiel, il faut aussi être rigoureux en dehors du terrain. Et je pense que si ils font les choses bien ils pourront un jour jouer au très haut niveau.

Comment situerais-tu le championnat de Suisse et le Servette en particulier par rapport à la Ligue 1?

Déjà je pense que le championnat de Suisse, à un niveau inférieur, se rapproche plus de la Bundesliga au niveau du jeu. Ça attaque beaucoup, ça court beaucoup, c’est du jeu offensif. C’est un football agréable et pour l’instant je me régale plus à jouer ici que les saisons précédentes en France où on fermait quand même souvent le jeu.

Après c’est sûr qu’il y a des équipes comme Bâle, YB et St Gall qui ont peut-être un plus gros potentiel. Mais dans l’ensemble je trouve que c’est un championnat homogène où on voit que tu peux perdre contre des équipes de bas de tableau et battre le leader.

Et au Servette ça joue beaucoup. L’équipe joue vraiment bien au ballon. On relance de derrière, on construit et on va de l’avant. Ce qui fait qu’on a beaucoup d’occasions par match donc en tant que joueur tu prends du plaisir.

On te sent aussi beaucoup plus présent dans le jeu depuis quelques matchs.

Oui, c’est vrai que je suis arrivé ici fin septembre, sans avoir joué depuis le mois de mars et l’arrêt de la Ligue 1. Plus de compétition ni d’entraînement collectif, je m’entretenais de mon côté. Je suis arrivé en forme physiquement, mais il y avait un manque. Après il faut aussi dire qu’on a perdu certains matchs qu’on n’aurait jamais dû perdre. Mais on sentait que ça allait tourner, parce qu’on le méritait par rapport à ce qu’on propose.

Est-ce que le déclic ne serait pas en partie venu de ton but victorieux à la 94è contre Zurich?

C’est vrai que c’était particulier. Déjà j’étais vraiment heureux d’avoir marqué et aidé l’équipe à arracher cette victoire. Les matchs précédents on a eu des occasions mais il nous manquait la réussite. Et c’est sûr que de marquer comme ça en fin de match libère tout le monde. C’était aussi important de gagner à la maison. Je ne sais pas si ça a influé quelque chose dans le groupe, mais en tout cas ça nous a fait du bien.

La colonie française du Servette s’est récemment agrandie avec l’arrivée de Gaël Clichy. Qu’est-ce qu’il vous apporte depuis son arrivée?

Il nous apporte tellement de choses… Déjà par son attitude, par les messages qu’il passe, par son comportement sur le terrain. C’est quelqu’un qui a joué au plus haut niveau et c’est sûr que tu te sens plus en confiance avec un joueur comme ça dans ton équipe. Il nous pousse à poser le jeu, à demander le ballon. Il nous aide énormément au travers de son expérience et de ses qualités. Depuis le jour où il a commencé à s’entraîner avec nous on espérait tous qu’il signe. C’est vraiment une super recrue et il le prouve jour après jour.

Tu as évolué dans de grosses ambiances au Stade des Costières à Nîmes et expliquais comme cela vous transcendait et vous a aidé à vous maintenir en Ligue 1. C’est vraiment plus compliqué de jouer dans des stades vides?

C’est clair que ça change énormément. A la maison les supporters te poussent à aller chercher le résultat. Ils te donnent ce supplément d’âme. Il y a parfois des matchs où l’équipe est un peu moins bien, et gagner un corner devant les supporters, sentir leurs encouragements, ça t’apporte quelque chose.

Tu as joué des Nîmes – Montpellier, derby haut en couleur avec une grosse rivalité. Ça représentait quoi pour toi, en tant que Nîmois?

C’est dur d’expliquer. Un derby tu t’en fous de la manière, tout ce qu’il faut à la fin c’est prendre les 3 points. C’est une rivalité de clubs, de supporters, de villes et c’est des ambiances particulières. Jouer au Vélodrome c’est chaud aussi, mais un derby reste un derby. C’est vraiment différent avec cette rivalité et tout ce qu’il y a autour du match. Ça amène quelque chose de supplémentaire.

Et tu t’apprêtes à affronter notre rival sédunois pour une deuxième fois depuis ton arrivée, demain à La Praille. J’imagine que tu avais été briefé sur l’importance de ce match avant la première confrontation?

Clairement. Je sais très bien que c’est un match important ici. On a perdu le premier et je crois que le club n’est pas sur une très bonne série contre Sion. Donc c’est vraiment d’autant plus important de faire un résultat. Il n’y a pas cent choses à expliquer, un derby encore une fois ça se gagne.

Et on sera cette fois chez nous donc il faudra remporter ce match. D’autant plus qu’on a vraiment été frustrés de notre match aller avec notre grosse domination. J’avais rarement vu autant d’occasions dans un match. Cette fois il faudra les mettre et prendre ces trois points.

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